La relance culturelle, que chacun appelle de ses vœux en Algérie,
se heurte à une absence de stratégie et de moyens. Il manque toujours à
ce secteur un centime pour faire un dinar. Cela se répercute sur les
jeunes dont la créativité se dilue dans de terribles arcanes où la
bureaucratie rigide le dispute à l’hostilité de l’environnement. Quel
autre paysage découvrent ces créateurs potentiels que celui d’une scène
culturelle frappée de désolation avec un réseau de salles de cinéma qui
n’est plus qu’un souvenir. La génération de l’après-indépendance en
fait les frais, elle, dont les œuvres, qui ont tant coûté à la
collectivité nationale, relèvent désormais de l’oubli. Les dissolutions
d’entreprises cinématographiques et audiovisuelles ont livré des
professionnels aguerris à l’incertitude du lendemain ou aux aléas de
l’exil. Une terrible déperdition à laquelle s’ajoute le fait que le
souci de préparer une relève devenait caduc puisque les pionniers du
cinéma et de l’audiovisuel avaient été sacrifiés. Sans doute des
domaines comme ceux du théâtre, de la chorégraphie — avec un ballet
national qui avait un statut d’ambassadeur — des arts plastiques, de la
musique, sont-ils également entrés dans cette sphère du déclin sans que
nul n’y puisse rien. L’Etat n’avait plus eu, à un certain moment de
l’histoire immédiate du pays, à assumer le rôle de mécène et du coup
c’est toute la problématique culturelle qui s’en est trouvée
reconsidérée. Aujourd’hui, il y a une résurgence culturelle marquée par
l’apparition d’investisseurs privés dans l’édition et l’audiovisuel,
mais ce frémissement ne peut pas se suffire à lui-même au regard des
flux financiers nécessaires en amont et en aval de ces activités. Les
tirages des maisons d’édition demeurent modestes, car le marché de la
lecture est en gestation malgré les progrès de l’enseignement à tous
les paliers et le recul de l’illettrisme en Algérie. Le prix du livre
est exorbitant et à cette pénalité les éditeurs se confrontent aussi à
celle de faire connaître leurs produits et inciter à les acheter. Il
faudrait, en effet, ce que ne peuvent pas faire la plupart des
éditeurs, avoir la capacité de payer des campagnes publicitaires à
l’image de ce qui se fait ailleurs dans le monde. Les éditeurs en sont
réduits à agir en franc-tireurs et n’avoir que l’objectif de survivre
dans un contexte toujours défavorable alors qu’il y a la possibilité de
faire, ensemble, plus et mieux. Pourquoi ne serait-il pas possible, en
ces temps d’embellie financière, dont bénéficie le pays, que les
instituions publiques soutiennent cette résurgence culturelle ? Il
suffirait par exemple, et ce n’est pas restrictif, que les
collectivités locales acquièrent tout ou partie de la production de ces
éditeurs que ne peut pas aspirer le seul marché algérien. C’est à cet
égard que se mesure l’implication de la puissance publique dans la vie
culturelle et cela a pu se vérifier à l’occasion d’un événement comme
Alger, capitale de la culture arabe qui a conduit le ministère
compétent à contribuer notamment aux budgets des films en train de se
faire. Ce désir de produire est d’ailleurs suffisamment fort pour
justifier d’être un thème de campagne dont les candidats à toutes les
élections ne peuvent pas faire l’économie. Surtout pas celle-là.
Amine Lotfi/El Watan